Saviez-vous que la Clémentine est un fruit moderne, créé par un Français ? Un fruit français né plus précisément en Algérie au début du XXe siècle…

Oran, berceau de la clémentine

Nous sommes à Misserghin, à 21 km au sud-ouest d’Oran dans l’Algérie alors française, durant les dernières années du XIXe siècle. C’est là que depuis 1849 une communauté de religieux possède une concession d’une quarantaine hectares. Les petits frères de Notre Dame de l’Annonciation, dirigés par le Père Abram se sont donnés pour mission de donner un métier à des orphelins venus de la métropole ou des départements algériens.

L’orphelinat possède une pépinière et, en toute logique, l’arboriculture fait partie des activités enseignées, sous la houlette du religieux chargé d’entretenir les plantations le frère Marie-Clément. Celui-ci est particulièrement dévoué à sa tâche. On lui doit l’introduction dans le pays de nouvelles espèces d’arbres forestiers ou fruitiers ainsi qu’une vaste collection de près de 600 variétés de rosiers.

Et c’est  lui, vous l’avez compris, que nous pouvons remercier pour la découverte d’un fruit qui depuis porte son nom.

La clémentine : naissance d’un hybride

Deux hypothèses s’affrontent concernant l’apparition de ce nouveau fruit.

La légende raconte qu’au bord de l’oued, un arbre fruitier sauvage s’était imposé parmi les résineux. Il ne s’agissait ni d’un oranger, ni d’un mandarinier, mais ses fruits plus rouges et meilleurs que des mandarines, qui plus est sans pépin et faciles à  éplucher, faisaient le bonheur des enfants. Le frère Clément, en préleva des greffons qui peu à peu donnèrent une nouvelle essence, trésor du verger des orphelins.

Une deuxième version fait état d’une démarche plus scientifique. Le frère Clément ayant observé le périple d’une abeille en train de butiner, il la voit passer d’une fleur de bigaradier à  celle d’un mandarinier. Ce mélange de pollen aurait-il un impact sur la production de l’arbre, sur l’aspect ou le goût du fruit ? Pour la reconnaitre, il accroche un ruban à la branche et suit l’évolution du fruit. Au vu du résultat, il fait des semis pour organiser la production de cette fantaisie de la nature.

Le saviez-vous ?
La clémentine ayant peu ou pas de pépin, la reproduction se fait uniquement par la greffe d’un rameau sur un porte-greffe. Tous les clémentiniers sont donc des « clones », identiques ou modifiés, du premier arbre de frère Clément.

Le père de la clémentine est un frère…

Et si la clémentine s’était appelée Vitaline ? Avant d’entrer en religion, Frère Clément avait pour nom Vital Rodier. Né en 1839 dans une famille paysanne du Puy de Dôme, il se consacre très tôt à la religion. Dès l’âge de 13 ans, Vital rejoint un oncle prieur au monastère des Chartreux de Valbonne dans le Gard. Deux ans plus tard, il suit un autre oncle en Algérie française et rejoint la communauté des Petits frères de l’Annonciation, à Misserghin. C’est là qu’en 1859 Vital prononce ses vœux et devient Frère Clément.

Sans avoir étudié l’arboriculture, Frère Clément connait le travail de la terre et double son bon sens terrien d’un esprit curieux.

Ancien orphelinat de Misserghin
L’orphenlinat de Misserghin – carte postale des années 1950 (source Généanet)

Chaque jour pendant près de 40 ans, il effectue les relevés de température et de pluviométrie. Il plante 35 ha de vignobles, développe la pépinière de l’orphelinat. Il fait prospérer les plantations de la communauté en introduisant dans la région des essences d’arbres qui après acclimatation sont vendus aux cultivateurs des alentours. Il est encouragé dans ses expérimentations par Louis Charles Trabut, un médecin et botaniste alors président de la société d’horticulture d’Algérie. C’est à l’initiative de son ami qu’en 1902 le nouvel agrume jusqu’alors appelé mandarinette, prend son nom définitif.

Frère Clément décède à Misserghin deux ans plus tard.

L’avenir de la clémentine est en Corse

Les clémentiniers ont depuis pratiquement disparu d’Algérie. Les fruits que l’on voit désormais sur nos étals proviennent souvent d’Espagne, d’Israël ou de Californie. Toutefois la Clémentine de Corse s’impose encore malgré la concurrence. L’île cultive ce fuit depuis 1925. L’INRA y a d’ailleurs installé à San Guliano une station de recherche agronomique. Les arboriculteurs de l’institut poursuivent leur travail de sélection pour améliorer les variétés françaises : adaptation au climat, rendement, calibre et qualité des fruits… Par ailleurs, on sait depuis peu grâce à leurs analyses que la clémentine est issue de la fécondation d’une fleur de mandarinier par du pollen d’orange douce (Citrus sinensis) et non de bigaradier (orange amère, citrus aurantium).