L’établissement situé au cœur de Nantes aurait fêté son 100e anniversaire cette année. Si l’entreprise existe toujours, l’usine nantaise a fermé ses portes. Mais que fabriquait-on derrière la façade ornée d’un grand G rouge ?
Ustensiles de cuisine et outils de jardin
Certains ustensiles appartiennent tellement à notre quotidien qu’ils nous donnent l’impression d’avoir toujours été présents dans notre cuisine ou notre jardin. C’est peut-être même le cas pour ceux qui ont conservé certains outils de leurs parents ou grands-parents.
Qui n’a pas, enfant, appuyé de toutes ses forces sur un presse-purée ou actionné la manivelle d’un moulin à légumes, vérifiant toutes les 30 secondes la hauteur du tas de carottes fraichement râpées ? Peut-être utilisez-vous encore un arrosoir en acier ou une bassine sans âge, mais toujours d’attaque, car inusable !
Ces outils de tous les jours ont sûrement un point commun : il y a de fortes chances qu’ils proviennent des établissements Guillouard.
Et si la marque offrait un catalogue trop varié pour devenir un nom commun à l’instar de Frigidaire ou Mobylette, elle a bel et bien dominé le marché des articles en acier galvanisé pendant plusieurs années.
À Nantes, le G majuscule s’affiche encore en rouge sur la façade de l’usine aujourd’hui désaffectée. Il rappelle à ceux qui l’ont connue en activité combien ce nom comptait dans la vie économique et sociale de la ville.
Une ambition familiale
Cela fait plus d’un siècle, 113 ans exactement, que les produits de la marque Guillouard trouvent leur place dans les cuisines et les jardins de nombreuses familles en France comme à l’étranger. Au plus fort de son activité, l’entreprise exportait au Japon, en Allemagne, en Suisse, en Belgique et aux Pays-Bas. Sa lampe tempête avait même trouvé une clientèle fidèle en Afrique francophone.
Mais avant de conquérir la planète, l’entreprise Guillouard s’est ancrée dans un territoire, celui de Nantes, ville d’origine de la marque et lieu de production jusqu’en 2016.
Tout commence en 1911 lorsque deux frères, Adrien et Louis Guillouard se forgent une petite notoriété dans le domaine de la métallurgie.
Il faut tout de même attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que la société se développe.
L’usine s’installe au cœur de l’île de Nantes, sur l’actuel boulevard des martyrs nantais. Trois ans plus tard nait le produit phare de la marque, sa lampe tempête Luciole.
Pendant l’entre-deux-guerres, l’histoire de l’entreprise reflète l’histoire sociale du pays : l’été 1936 est ponctué de mouvements de grève chez Guillouard, dont les ouvriers occupent les locaux pendant plusieurs jours.
Mais l’entreprise est suffisamment solide pour s’adapter. Après-guerre viennent les Trente Glorieuses et les établissements Guillouard connaissent un véritable essor.
À la fin des années 1960, la société emploie près de 500 salariés, en majorité des femmes.
Le catalogue d’articles mis en vente s’étoffe et pour produire seaux, arrosoirs, bassines, stérilisateurs entre autres, l’entreprise maitrise deux techniques de métallurgie :
- La galvanisation à chaud qui consiste à plonger un objet en acier dans un bain de zinc en fusion. Le fin revêtement de zinc suffit à protéger l’acier de la rouille et à la rendre plus étanche.
- L’étamage, procédé similaire où le produit plongé dans un bain d’étain en fusion en ressort plus brillant et plus solide.
Le tournant des années 80
Sur les 20 000 m² implantés sur l’île de Nantes, 17 halles d’ateliers abritent pas moins de 120 presses de découpage — emboutissage, des plieuses, des cisailles, 4 bains de galvanisation à chaud, autant d’étamage à chaud, une chaîne de peinture auxquels viendront bientôt s’ajouter 3 presses à injecter le plastique. En effet les années 1970 ce nouveau matériau s’impose. On voit émerger la concurrence des pays de l’Est et la mise en place chez les consommateurs de nouvelles habitudes de consommation : on achète moins cher, quitte à perdre en qualité.
En outre Guillouard souffre de la mauvaise image du secteur de la métallurgie : à la pénibilité de certains postes s’ajoute parfois la dangerosité des machines et l’éventuelle toxicité des produits utilisés.
Ainsi, le 16 mai 1979, une ouvrière perd une main broyée par la presse sur laquelle elle travaillait. Ouvriers et Nantais s’en émeuvent, mais face à l’absence de dialogue entre la direction et les délégués syndicaux, il s’ensuit un mouvement de grève et une manifestation le 08 juin 1979.
Ce cumul de difficultés économiques et sociales met à mal l’entreprise qui subit un redressement judiciaire en 1981. La famille Guillouard cède alors la société à Jean-François Sirvin qui va entreprendre sa modernisation tout en conservant les modèles et le savoir-faire de la marque. L’ouverture à l’exportation, l’acquisition de la coutellerie Nogent 3 étoiles en 1985 permettent à Guillouard de résister, alors que son dernier concurrent Moulinex dépose le bilan en 2001.
En 2008 Eric Sirvin désormais à la tête de la société poursuit la politique managériale de son père, garantissant une fabrication 100 % française et fortement implantée sur le territoire nantais.
Malheureusement les ventes déclinent face à la concurrence des produits importés, la marque peut difficilement s’aligner sur les tarifs attractifs de ces produits de moindre qualité.
Lorsqu’en 2016 l’entreprise se voit dans l’obligation de se mettre aux normes environnementales, le constat est douloureux : réhabiliter le bâtiment séculaire serait trop couteux. Il faut fermer.
Le site de Nantes a cessé toute production, mais la marque vend encore ses articles en ligne.
Que deviendra l’usine Guillouard de l’île de Nantes ?
Que va-t-il advenir du bâtiment nantais ? Espérons que le site reprendra vie un jour, sous la forme d’un projet culturel mettant à l’honneur ce fleuron du patrimoine industriel nantais.
Pour aller plus loin
Nantes Patrimonia : A. & L. Guillouard