Femme aux longues manches de Rembrandt Bugatti
Si je vous parle de Bugatti, le nom évoquera sans doute une voiture aux lignes racées, ou encore le fondateur lui-même de la marque automobile, Ettore Bugatti.
Si je vous parle de Rembrandt, nous nous transportons immédiatement dans les Pays Bas du XVIe siècle, où le célèbre peintre dirigeait son atelier.
Et si maintenant on jouxte les deux noms ? Nous obtenons un sculpteur de talent, connu en grande partie pour ses représentations d’animaux.
Depuis, 2009, le musée d’Orsay consacre une galerie à Rembrandt Bugatti et son contemporain François Pompon.
On peut y admirer, parmi une soixantaine d’autres oeuvres, une statuette représentant une jeune femme debout vêtue d’une longue robe d’intérieur. La totalité de son corps est cachée par le vêtement ample. Même les mains ont disparu, avalées par des manches kimono démesurées, qui n’auraient sans doute pas déplu à la danseuse Loïe Fuller. Ni posture ni geste ne transparaissent : l’étoffe lisse remplace la silhouette par un simple volume géométrique. Seuls le visage encadré d’un large chignon et le buste apportent de la féminité à l’ensemble. La tête légèrement inclinée sur le côté, le corps droit, la jeune femme semble attendre quelque chose, ou quelqu’un.
Cette sculpture en marbre haute de 51,5 cm représente-t-elle Deanice, la sœur aînée des Bugatti, ou Barbara, l’épouse d’Ettore ? Toujours est-il qu’elle se démarque des autres créations de l’artiste par son sujet et sa matière : Bugatti est célèbre pour ses bronzes représentant des animaux. Et pour cause : ses représentations animales sont en effet beaucoup plus empreintes d’empathie et de personnalité.
Rembrandt Bugatti, sculpteur animalier
Rembrandt Bugatti est le fils de Carlo Bugatti, un célèbre créateur de meubles en Italie. Mais le membre le plus célèbre de la famille est sans conteste Ettore, frère cadet de Rembrandt et créateur de la marque automobile qui porte leur nom.
Rembrandt naît à Milan en 1884. C’est son oncle, le peintre Giovanni Segantini, qui a tenu à lui donner cet illustre prénom. Cela ne peut que lui porter chance.
Rembrandt est un enfant précoce. Très tôt, il se passionne pour la sculpture, et notamment la représentation d’animaux.
Il a 18 ans lorsque la famille Bugatti quitte l’Italie pour la France. Elle s’installe à Paris où elle fréquente de nombreux artistes qui vont stimuler la créativité du jeune homme.
Son inspiration, il la trouve au marché aux chevaux et à la ménagerie du jardin des plantes, qu’il fréquente assidûment. Il s’intéresse à toutes les espèces, domestiques ou sauvages : mammifères, oiseaux, reptiles… Les félins ont toutefois sa préférence. Il observe longuement ses modèles. Puis il travaille à la main, sans instrument ni esquisse préparatoire, afin de capter l’émotion de l’instant. Il utilise pour cela de la plastiline, un nouveau matériau à base de cire et d’huile, plus facile à modeler que le plâtre.
Son style nerveux et vivant capte la grâce d’une posture. Qu’il s’agisse d’un fourmilier, d’une biche ou d’un éléphant, il sait retranscrire la spontanéité de son modèle, tout en le figeant en plein mouvement, pour l’éternité.
Il connaît rapidement le succès : En 1905, le jeune Rembrandt signe avec le célèbre fondeur Hébrard un contrat d’exclusivité pour la réalisation de ses œuvres en bronze. Hébrard est également marchand d’art et collectionneur. Dans sa galerie de la rue Royale, il offre une place de choix aux créations de Bugatti et assure leur promotion. En 1911, Le jeune sculpteur n’a que 27 ans lorsqu’il reçoit la légion d’honneur.
Une carrière fulgurante
Encore aujourd’hui le marché de l’art plébiscite Rembrandt Bugatti, au point d’en faire le sculpteur animalier le plus cher. Lorsqu’une de ses œuvres est proposée à la vente, les enchères s’envolent et battent des records. Ainsi, lorsqu’en 2016 une vente aux enchères est organisée à l’occasion du bicentenaire de sa mort, c’est un événement.
Et pourtant la carrière du sculpteur n’aura duré que 10 ans. Une seule décennie pendant laquelle il aura expérimenté différents langages artistiques : l’impressionnisme, l’expressionnisme et le futurisme.
En 1909, alors que Rembrandt Bugatti réside à Anvers, qui abrite alors le plus grand zoo d’Europe, il contracte la tuberculose. Lorsque la première guerre éclate, il se porte volontaire auprès de la Croix Rouge pour travailler comme brancardier dans un hôpital d’Anvers. Mais il ne supporte pas les horreurs de la guerre.
En 1916 Rembrandt doit rentrer à Paris. Il est malade, les animaux du zoo ont été tués. Il n’a pas encore 33 ans lorsqu’il met fin à ses jours le 8 janvier. Il laisse derrière lui près de 300 œuvres.