Si vous avez visité le musée d’Orsay, peut-être vous souvenez-vous avoir croisé le regard d’une femme rousse auréolée d’or. Non pas une visiteuse, ni une employée du musée. Mais un tableau du peintre nantais Edgard Maxence. Vous vous souvenez d’elle ? Alors l’artiste a rempli sa mission : capter votre attention. Car sa « Femme à l’orchidée » est, certes une oeuvre d’art, mais aussi un objet de réclame.
Peint vers 1900, le tableau fait partie des collections du musée d’Orsay depuis 1989. Il représente une jeune femme en buste, de trois-quart. Le menton relevé, elle dirige son regard vers le spectateur tandis que ses lèvres esquissent un léger sourire. De la main droite, elle tient entre deux doigts presque verticalement une cigarette allumée d’où s’échappe une volute de fumée. De la gauche, elle tient délicatement un pan de voile. Bras et mains sont couvertes jusqu’à la naissance des doigts d’une manche transparente, formant des plis. Ses épaules sont couvertes d’un châle orné de motifs floraux. L’arrière-plan du tableau représentant des branches de pin nous informe que la scène se passe à l’extérieur. Les branches inclinées de l’arbre accompagnent le mouvement de tête vers l’arrière de la femme. L’ensemble de la peinture offre une palette automnale de vert et de marron, rehaussée par un fond doré. Le tout met en valeur la chevelure rousse relevée en chignon de la femme.
Avant la Belle époque, il n’est pas de bon ton pour une femme de fumer lorsque l’on appartient à la bonne société. Il s’agit davantage d’une pratique propre aux ouvrières, voire aux filles publiques. Ici la beauté du vêtement, l’élégance des gestes témoignent de la distinction de la jeune femme. Mais son regard posé sur nous, sa main gauche qui « lève le voile » montrent qu’elle assume pleinement ce loisir.
Que l’on soit d’abord attiré par le regard du sujet ou ses gestes élégants et féminins, nos yeux se posent inéluctablement sur la composition en triangle où l’une des pointes conduit au front du personnage puis à la fleur blanche et rosée fixée en hauteur dans la coiffure. La forme des pétales peut faire penser à un cygne, cou dressé et ailes déployées. La femme ne porte aucun bijou, l’orchidée piquée dans ses cheveux roux représente son seul ornement, mais un ornement peu discret. Dans le langage des fleurs, l’orchidée blanche représente l’idéal, l’amour pur, symbole d’innocence et de sincérité. Le tableau garde une part de mystère. Et pourtant nous avons tous en tête le Cattleya qui dans l’oeuvre de Proust représente l’amour passionné de Swann pour Odette.
JOB, ou l’art au service de la cigarette
A l’opposé du symbole de pureté, l’action assumée de fumer une cigarette montre la liberté de la femme, sans la moindre vulgarité. Le tableau est sans doute une commande de la marque de papier à cigarettes JOB. Il est même possible que ce soit la fille de Jean Bardou, le créateur de la marque, qui ait servie de modèle. L’oeuvre est en tout cas reproduite sur les calendriers publicitaires de l’entreprise en 1901. On peut d’ailleurs lui trouver une certaine ressemblance avec l’affiche réalisée par Mucha en 1896 pour ce même produit. Mais alors que le modèle de Maxence prend le spectateur à parti, celle de Mucha ignore ou oublie toute société, et s’abandonne au plaisir de fumer.
Bien plus connue et pourtant antérieure de 4 ans à la précédente, l’affiche publicitaire signée Alfons Mucha annonce clairement la couleur, ou plutôt la marque. Le nom de Job s’inscrit dans le fond imitant une mosaïque, et le monogramme se répète comme un symbole décoratif. On retrouve pourtant des points communs aux deux oeuvres : la chevelure flamboyante, la peau de porcelaine et les vêtements clairs des deux femmes tranchent sur un fond plus foncé.
En savoir plus sur Edgard Maxence et JOB…
Notice de l’oeuvre au Musée d’Orsay
Didier NOURRISSON, « Papier à cigarettes JOB », consulté le 27 juillet 2021. – L’histoire par l’image